« Petite suite de poèmes noirs »

de Annie Devergnas-Dieumegard
mai 2006

- Dessins à l’encre de Chine

de Marie-Lydie Joffre,
janvier 2003, format 12,5 x 16,5 cm







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le pianiste fou
frappe les fils du temps
de ses longs os grêles
sa musique infernale
tronçonne mon âme
et la projette aux quatre vents

 

 

ange de poussière
vers quel espace encore vierge
t’envoles-tu ?
car ton ombre granuleuse
déjà souille
les marges du temps

 

 

les barbelés d’Auschwitz
de Birkenau, de Dachau
ont perdu leurs mains lacérées
accrochées au désespoir
les grilles enfin s’écartent
béant sur un horizon incertain

 

 

lutte impitoyable
d’infimes galaxies
leur ballet arachnide
s’enchevêtre
et tourbillonne
dans une goutte d'espace

 

 

Le peuple des fourmis
voulut un jour
conquérir le ciel.
Au-dessus de leurs têtes,
d’infranchissables grilles !
C’était une feuille sèche...

 

 

la banquise se brise
chutes sourdes et monstrueuses
dans un jaillissement de mer
neige et sel confondus
lutte en noir et blanc
ou le liquide dévore le solide

 

 

Le guetteur est seul
juché sur ses jambes frêles
la tête dans la nuit
que lui reste-t-il à protéger ?
les créatures de l’ombre
sournoisement rongent ses pieds

 

 

c'est une autre fin du monde
trois nous restons
dans le jour en lambeaux
la fumée atomique
tourne une dernière spirale
le soleil est en cendres

 

 

dune sur dune
les pistes s’entrecroisent
mais les navigateurs du désert
ont disparu dans la poussière
depuis tant de lunes
et le ciel s’est solidifié