Née à Bruxelles le 7 avril 1927, elle est autodidacte du fait des lois antijuives durant l’Occupation
[réf. nécessaire].

Elle habite en Israël depuis 1956. Elle a été employée à l’Ambassade de Belgique à Tel-Aviv aux fonctions de secrétaire-comptable durant 35 ans.

La décoration civique de première classe lui a été décernée en récompense de la qualité de son travail. Certains de ses poèmes ont été dits à la Radio-Télévision belge en 1988.

Bibliographie

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Abri

Dans les lignes de ta main
Pour me plaire j’y veux voir
Que rien ne nous sépare
Et qu’avons même destin.

Dans les lignes de ta main
Je découvre en cherchant
Les signes bienfaisants
De ce qui me convient.

Dans le creux de ta paume
Où ma main se blottit
Je retrouve mon abri
Doux et calme. Comme un baume.

( Ballades et réflexions à ma façon, 1978 )




Absences


Tout proche de l’interlocuteur
et pourtant loin, l’esprit ailleurs,
comme en un voyage m’évadant,
je suis là, présent et absent,
hochant la tête de temps en temps.

Tout proche de l’interlocuteur
et pourtant loin, l’esprit ailleurs,
combien de fois ai-je trahi
quand je semblais, yeux et ouïe,
attentif à mon vis-à-vis ?

( Ballades et réflexions à ma façon, 1978 )





Après l’Homme


Après l’Homme, après l’Homme,
Qui dira aux fleurs comment elles se nomment ?
Après l’Homme, après l’Homme,
quand aura passé l’heure de vie du dernier Homme.

Qui dira aux fleurs
combien elles sont belles ?
N’y aura de coeur
à battre pour elles.

Après l’Homme, après l’Homme,
que sera encore le mot “merveilleux” ?
Après l’Homme, après l’Homme,
quand le dernier des hommes aura vidé les lieux.

Qui dira de la Terre
Qu’elle est sans pareille
et que dans l’Univers
elle est fleur de Soleil ?

Après l’Homme, après l’Homme…

Viens-t’en donc pour lors,
viens-t’en donc l’ami,
et chantons encore
le jour d’aujourd’hui.

( De la pensée aux mots, 1997 )






Attente


Cette graine que je tiens
dans le creux de ma main,
qu’en naîtra-t-il demain ?
Un roseau ou un chêne ?
Quelque plante de jardin ?
J’ignore et ne m’en plains.
Mais le coeur me palpite,
sachant qu’en elle habite
une vie qui attend
mon plaisir du moment
et qui dira : présent
pourvu que je lui trouve
bonne terre qui la couve.
Ainsi, bonne graine attend.

Cet amour que tu tiens
dans le creux de ta main,
qu’en naîtra-t-il demain ?
Mon bonheur, ou ma peine ?
Ou mes regrets sans fin ?
Je l’ignore, ô combien.
Mais là, mon coeur se glace
de ne savoir ma place
au destin qui attend
ton plaisir du moment.
Car c’est toi qui choisis,
et c’est moi qui subis.
Bonne chienne qui attend.
Et bon chien s’y entend.

( Portraits et chansons sans retouches, 1976 )





Ballade pour un pitre


Oyez la triste histoire d’un pitre.
Pleurez, pleurez en écoutant.
Une vie durant porta ce titre.
Puis tout cessa. Soudainement.

Heureux comme un poisson dans l’eau
quand il grimaçait sur les planches,
il avait cent tours dans sa manche.
On se tordait. Criant : bravo !

Bienfaiteur de l’humanité
qu’il distrayait de ses misères,
il faisait rire à s’étouffer
mettant en joie des salles entières.

Pourtant à chaque apparition,
un trac affreux, puissant, félon,
le harcelait de ses morsures.
Ce n’était guère une sinécure.

Mais il adorait ses angoisses.
Jamais n’aurait cédé sa place
et sombrement appréhendait
de ne plus être qu’un passé.

Eh bien voilà, c’est arrivé..
Il est fini son temps de gloire.
Pleurez, pleurez, vous, l’auditoire !
Quoi ? Nulle larme ne versez ?

Ah ! Quelle affreuse ingratitude !
Rien ne justifie l’attitude
d’un public qui, sans un regret,
vers d’autres pitres s’est tourné.

Pourtant qu’y faire ? Soudainement
il ennuya, rien ne créant
et se bornant à rabâcher
vieux trucs et machins éculés.

Tout se mettait de la partie
comme une grande trahison.
Sa mémoire, ses jointures, son ton.
Il restait seul , tel un oubli

Avec les ans qu’il encaissait
et comme plus rien ne l’attendait,
parfois il s’offrait des grimaces.
Pour se distraire. Devant la glace.

( Ballades et réflexions à ma façon, 1978 )





Bruyants silences


C’est le grand silence de la vie
qui me tinte aux oreilles.

C’est vilain silence qui glapit
rien qu’à lui-même pareil.

C’est bruyant silence de la foule
caquetant tout son saoul.

C’est parfait silence de parlotes
où chacun radote.

Et dans ce guignol
qui ricane
qui rigole
qui me suit
me poursuit
et encore mieux m’isole,
c’est le dur silence de la vie
qui me tinte aux oreilles.

( Ballades et réflexions à ma façon, 1978 )






Coloris


En teintes folles, en demi-tons,
dans la lumière qui resplendit,
tes cheveux sont couleur de miel
et tes yeux sont couleur de ciel
tes lèvres sont couleur de vie
et sur ta peau d’un blond roussi
le soleil a fait un semis
de mille jolies taches de son.

( Portraits et chansons sans retouches, 1976 )


 



Complainte pour une Dame-pipi


De l’avenir, rien n’est promis.
Mais entre-temps, chantez, fillettes !

Nombreux éviers. Miroirs. Tout brille.
Portes cachant sièges-cuvettes.
Bruits d’eau. Tintement de piécettes.
Et puis ce mot sans fin redit : “Merci”.

Dans ce salon de lieux d’aisance
où les odeurs et les essences
se combattent en catimini,
vers quels ailleurs vont vos errances ?
Vous fûtes belle, Dame-pipi !

Qui vous mit en ce paysage ?
Quel tour du sort ? Quelle ironie ?
De quel airain est le rivage
où vous prenez refuge, appui ?

Sous le blanc soleil des néons
illuminant murs et plafonds,,
ressassez-vous mortes-saisons
entre serpillières et torchons ?
Vous fûtes belle, Dame-pipi !

Et craignez-vous (constante angoisse !)
de voir paraître en cet espace
quelque témoin d’un temps fini,
là, tout soudain, figé sur place ?

Redoutez-vous qu’ouvrant la porte
par où tous ces gens entrent et sortent
surgisse un jour l’ancienne amie ?
Le hasard a des coups qui portent !
Vous fûtes belle, Dame-pipi !

C’est fait !… Ce fut !… C’est arrivé !…
La mer a de sournoises lames.
Nul n’aurait deviné le drame
Si peu serait à raconter…

De part et d’autre une émotion
doublée d’un embarras sans nom.
La vie parfois a des façons !
Indélébile, l’instant qui fuit…
Vous fûtes belle, Dame-pipi !

Pourtant, penchée sur la lunette,
le front brûlant, tempes en tempête,
vous offrîtes la place nette
comme en un jour cent fois vous faites…

Dès lors les mois vous font plus grise.
Faciès où tout trait se durcit.
Lèvres nouées. Trois poils qui frisent
au creux de joues jadis exquises…
Vous fûtes belle, Dame-pipi !

Vous fûtes belle ? Songes bannis !
Et de l’emploi enfin la tête !
La hargne prête ! L’oeil aux piécettes !
Jurons rentrés à chaque oubli !
Mercis sifflants !… Étrange fête…

( De la pensée aux mots, 1997 )






Constatation


Je n’ai que moi
En chaque jour
Pour accueillir l’aube nouvelle
Mais dès qu’au songe je m’attèle
Je n’ai que toi

Je n’ai que moi
Pour encaisser
De toute la vie les escarres
Mais dès qu’en rêve je m’égare
Je n’ai que toi

Je n’ai que moi
Lorsque j’épie
De l’avenir l’heure qui chante
Mais dans mes prières ardentes
Je n’ai que toi

Je n’ai que toi
Pour m’éblouir
Et pour embellir les images
Mais dès que j’ai tourné les pages
Je n’ai que moi

( Je cours après mon ombre, 1981 )


 



Contemplation


Attendrissant, ce blond,
lumineuse auréole
de mèches douces et folles
te caressant le front.

Si émouvant, ce bleu
où baigne ton regard.
Ne te ferai d’aveu.
Car me taire est ma part.

Et troublant, cet ourlet
au contour de tes lèvres
où mon regard en fièvre
s’attarde, triste et muet.

Meurtrissants, tes silences.
Sortes d’affreux départs
où je n’ai nulle part
ni aucune présence.

Et torturant, ton rire.
Tu me blesses en ta joie.
Encor je reste coi,
ne sachant que te dire.

Combien narguant, ce châle
entourant tes épaules !…
Je lui envie son rôle
et n’en ai que plus mal.

Mais apaisant, ce gris
où tu aimes t’asseoir
à l’approche du soir.
Chien fidèle, je t’y suis.

N’est-il plaisant mon lot ?
Ta vue m’est un cadeau
dont je me sens empli.
Mon bonheur n’a de prix.

Attendrissant, ce blond…
Lumineuse auréole…

( Je cours après mon ombre, 1981 )





Contradictions


Ils cohabitent en moi.
Se battent sans qu’on le voie :

Le passé le présent
Le futur et maintenant
L’illusion et le vrai
Le maussade et le gai
La bêtise la raison
Et les oui et les non
L’amour de ma personne
Les dégoûts qu’elle me donne
Les façades qu’on se fait
Et ce qui derrière est
Et les peurs qu’on avale
Les courages qu’on étale
Les envies de dire zut
Et les besoins de lutte
Et l’humain et la bête
Et le ventre et la tête
Les sens et la vertu
Le caché et le nu
L’aimable et le sévère
Le prude et le vulgaire
Le parleur le taiseux
Le brave et le peureux
Et le fier et le veule…

Pour tout ça je suis seul.

( Ballades et réflexions à ma façon, 1978 )

 



Dans le vent


De le nier, on aurait tort.
De l’ignorer, pareillement.
Tant il est vrai qu’en plein essort,
et de nos jours, superbement,
le cul est roi. Et dans le vent.

C’est vérité fondamentale.
Pour l’ériger en idéal,
au bond il faut saisir la balle.
Tout malin y sera gagnant.
Le cul est roi. Et dans le vent.

Soudainement c’est frénésie.
Deviser cul crée bons profits !
Déjà maints champs sont investis.
Et tous les styles y sont présents.
Le cul est roi. Et dans le vent.

Pour se laver de tout vulgaire
et pour ne point nuire aux affaires
et pour en user librement,
aux mots latins on se réfère.
Le cul est roi. Et dans le vent.

Ecrivains et écrivassiers
qui tant de pages noircissez,
et dans la douleur enfantez,
dissertez cul, abondamment.
Le cul est roi. Et dans le vent.

Du cul, ne soyez point avares
Indispensable au rendement,
vous y gagnerez belles parts.
Et grand succès. Conséquemment.
Le cul est roi. Et dans le vent.

Quant à l’écran et à l’image,
envahissant, il y fait rage.
Mal acceptées, les oeuvres sans.
Que d’obstructions et de barrages !
Le cul est roi ! Et dans le vent !

( Synthèses, 2009 )

Le site d'Esther Granek

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